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Le cyprès chauve

29 mai 2022

LE CYPRÈS CHAUVE

Cet article a été publié dans le Bulletin de l’Association, en Avril 2022.
Il a été rédigé par Solange BLAISE et Claude CABOT.

Cyprès chauve et changements climatiques
En Europe, et en particulier en France, le cyprès chauve, introduit au XVIIe siècle à partir de plants américains, se plaît bien sous nos climats actuels.
En fait, les glaciations avaient vu disparaître d’Europe certaines espèces : le tulipier, le liquidambar et probablement le cyprès chauve…chassés vers le sud, "basculés" dans la Méditerranée, ou arrêtés par les Pyrénées, ils avaient disparu. En Amérique, ces espèces n’ont pas rencontré de telles barrières : réfugiés dans un sud accueillant, au retrait des glaciers, tulipier et liquidambar sont remontés peupler les forêts tempérées.

Actuellement, aux Etats-Unis, le cyprès chauve occupe une étroite bande côtière le long de l’Atlantique et du golfe du Mexique, remonte le long du Mississipi et de ses affluents ; il est très présent dans les bayous du sud de la Louisiane. Il est devenu l’emblème de cet état. On le trouve bien plus au Nord, jusqu’à Boston.

Souches fossiles de cyprès datant d’une trentaine de millions d’années…
Dans le Bassin parisien, la présence "en place" de fossiles de cyprès, proches de notre cyprès chauve (qui a été introduit), témoigne des changements climatiques au cours des temps géologiques et en corollaire, de la modification des cortèges floristiques. Nous avons encore trace d’anciennes forêts : à Saulx-les-Chartreux, une forêt d’une centaine de cyprès a été silicifiée sur place !
Au Stampien (Oligocène inférieur), cette forêt bordait une mer tropicale :
en se retirant, cette mer a laissé place à des systèmes dunaires qui ont enseveli la forêt et contribué à sa conservation par minéralisation. De là proviennent la souche fossilisée du Jardin des Plantes de Paris (face au bâtiment de géologie), comme d’autres visibles en Essonne, en particulier celle du domaine de Montauger (photo ci-contre), dans la zone humide des basses vallées de l’Essonne.

Le cyprès chauve Taxodium distichum, un des rares conifères à perdre ses feuilles
Au sein des Gymnospermes, il était classiquement rattaché à la famille des Taxodiaceae (une des familles de conifères), mais désormais rattaché à celle des Cupressaceae. Cette famille, caractérisée par des essences devenant très vieilles et très grandes, regroupe différents genres, dont séquoia (Sequoia sempervirens), séquoia géant (Sequoiadendron), métaséquoia, et le cyprès chauve Taxodium. Tous ces genres, et d’autres, sont présents sur le campus d’Orsay. Cet article distinguera deux de ces genres : le cyprès chauve Taxodium distichum ou Cyprès de Louisiane et le métaséquoia Metasequoia glyptostroboïde, avec lequel on le confond parfois (voir en fin d’article).
Le cyprès chauve Taxodium distichum n’est pas un cyprès au sens botanique du terme (rien à voir avec la silhouette en colonne des cyprès italiens) : il est dit "cyprès chauve", car il perd ses feuilles, au même titre que le métaséquoia ou le mélèze.

C’est un grand arbre, qui peut atteindre 40 m, voire 50 m de haut ; son port est conique dans la jeunesse mais à cyme s’élargissant beaucoup et s’arrondissant par la suite. Il peut vivre quelques centaines d’années.
On peut voir un cyprès chauve dans le centre d’Orsay, près de l’Yvette, au niveau de la piscine (photo de début d’article), et plusieurs sur le campus : entre la cité U récemment rénovée (bât 231) et l’Yvette (photo ci-dessus, en automne), dans le verger, ainsi qu’au niveau du bâtiment de biologie (360/361) : un cyprès chauve sur l’avant du bâtiment, et plusieurs à l’arrière, près de la source résurgente.

L’écorce est mince, d’un brun rougeâtre, peu profondément fissurée mais cependant fibreuse, se détachant par longues lanières. Le bois, tendre, de bonne qualité, est recherché pour sa remarquable résistance à la pourriture et aux attaques des insectes, en particulier des termites ; il peut supporter des chocs hygrométriques répétés, d’où son emploi dans la construction des serres.

Les feuilles, de 10 à 20 mm de long, et qui constituent un feuillage léger et souple, sont dites « distiques », du grec « distikos » « en deux rangées », car situées dans un plan, de part et d’autre de l’axe du rameau (d’où le nom de l’espèce) ; elles sont portées sur le rameau en disposition alterne. En fait, en automne, les feuilles ne tombent pas une à une, mais avec les rameaux entiers, qui sont donc eux-mêmes caducs.
Le cyprès chauve est un arbre monoïque : un même individu porte à la fois des fleurs mâles, de tout petits cônes regroupés en chatons (de courts rameaux pendants, qu’on distingue quand l’arbre a perdu ses feuilles), et des fleurs femelles en cônes globuleux de 20 à 25 mm, sans pétioles apparents. Ces cônes, d’abord verts puis rougeâtres, se désarticulent en tombant au sol, à l’automne.

A l’automne, de somptueuses couleurs
Les feuilles, d’un vert jaunâtre, virent en automne au brun rouille ou à l’orangé lumineux. Puis les feuilles tombent avec les rameaux1 qui les portent, recouvrant le sol d’un manteau de même couleur.
Le cyprès chauve du parc de Bures-sur-Yvette
Les pneumatophores, de spectaculaires racines aériennes qui "captent" l’air

Le cyprès chauve ne se développe rapidement que s’il peut disposer d’eau en abondance, dans le sol, et d’une chaleur estivale suffisante, même s’il supporte bien les basses températures hivernales. Il vit dans les terrains souvent inondés ou marécageux et, pour échapper à l’asphyxie en eaux stagnantes, il émet des racines aériennes ou pneumatophores, excroissances de racines qui captent ("phore") l’air ("pneu") et lui assurent une meilleure stabilité dans un sol mou ; certaines ont plus de 50 cm de haut (photo été 2021, lac de Nantua, dans l’Ain). Ces pneumatophores ressemblent à des genoux - au Vietnam où elles sont polies par le toucher des promeneurs dans les parcs où elles sont plantées, on les appelle "little Boudha"-.
Sur le campus, on peut voir quelques exemples de pneumatophores, relativement discrets, autour des cyprès chauves qui sont derrière les bâtiments 360/361.

Il existe en fait une deuxième sorte de rameaux, qui eux sont persistants, leurs feuilles sont en insertion spiralée, écailleuses, axillant des bourgeons verts ; ce sont eux qui donneront la pousse de l’année suivante.

Ne pas confondre cyprès chauve et métaséquoia !

Le cyprès chauve ressemble à une autre Taxodiacée : Metasequoia glyptostroboides.
Le métaséquoia, longtemps considéré comme uniquement fossile, fut découvert vivant en Chine centrale en 1941 et ses graines arrivèrent chez nous en 1948.

Voici de quoi les comparer devant les bâtiments 360/361 (un de chaque genre) et 362 (trois métaséquoias) :
Cyprès chauve

A l’automne, les cônes se désarticulent quand ils tombent et ne sont plus identifiables sur le sol.
Solange BLAISE et Claude CABOT
Photos : Claude CABOT & Tela Botanica
Remerciements à M.C. MERY,

Bibliographie : Cahiers de l’Université Paris-Sud, Circuits botaniques du campus universitaire d’Orsay,
C. Gardou, H. Ehrmann et G. Ducreux, ISSN03991903, 1999. Ouvrage présent dans notre bibliothèque.

Quelques sites  :
https://www.lepeupledacote.com/plante/cypres-chauve-et-autres-taxodium
https://www.mnhn.fr/fr/cypres-chauve

Portfolio

  • Les pneumatophores